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Équipe CCAMAN (Confluences, Cinématographiques, Audiovisuelles, Musicales et Arts Numériques)

Direction

Les membres

Membres associé(e)s

  • Lenka Stransky

    HDR

    Membre associée, laboratoire LISAA
  • Azadeh Nilchiani

    Docteure

    Membre associé, laboratoire LISAA
  • Stella Louis

    Docteure

    Membre associée, laboratoire LISAA
  • Baptiste Creps

    Post-docteur

    Membre associé, laboratoire LISAA
  • Guillain CHAUSSARD

    Docteur

    Membre associé, laboratoire LISAA
  • Ariane GAUDEAUX

    Docteure

    Membre associée, laboratoire LISAA
  • Antoine GUÉGAN

    Docteur

    Membre associé, laboratoire LISAA
  • Bamchade POURVALI

    Docteur

    Membre associé, laboratoire LISAA
  • Fourouzan SEBAN

    Docteure

    Membre associée, laboratoire LISAA

Axes de recherche

Les enseignants-chercheurs et doctorants du CCAMAN effectuent leurs recherches dans les domaines suivants : études visuelles, arts numériques, histoire de l’art ; musique et musicologie ; études cinématographiques ; esthétique et philosophie de l’art. Parmi eux, celles et ceux dont l’activité de recherche ne relève pas – ou pas principalement – de la relation à la pratique forment un groupe de réflexion théorique où se côtoient diverses approches des arts : historique, esthétique, philosophique. Leurs travaux et publications couvrent un champ élargi, qui va de l’organisation de rencontres savantes à la publication d’ouvrages et articles scientifiques en passant par la traduction, la responsabilité éditoriale, la participation à des comités de lecture, diverses missions d’expertises.

Parallèlement aux travaux personnels et à la réponse aux projets collectifs (par exemple les recherches sur la ville au cinéma ou sur le corps dans la ville dans le cadre de l’I-SITE « Future » à l’Université Gustave Eiffel), la question de la critique apparaît comme un sujet commun de réflexion. Envisager la critique comme question – et non simplement comme objet d’étude – permet de situer la pratique réflexive des différents membres du CCAMAN à l’aune d’un engagement réel dans la vie intellectuelle et artistique. Si certains d’entre eux sont des membres actifs de publications périodiques consacrées aux arts et aux lettres (par exemple, Alice Leroy aux Cahiers du cinéma, Marc Cerisuelo à Positif et à Critique) et pratiquent de ce simple fait un exercice régulier – et traditionnel dans ce registre – de la critique, une conception élargie de ladite question se révèle au centre des préoccupations de l’équipe. Le travail de Maxime Boidy, spécialiste des études visuelles, centré sur les signes du politique (par exemple les couleurs et les esthétiques vestimentaires placées au centre des dispositifs contestataires, tels que les gilets jaunes), permet de relier de manière critique le politique et le visuel, en parallèle et complément de l’analyse photographique ou filmique. Il en va de même pour l’archéologie des médias à laquelle travaille Alice Leroy, qui dessine une histoire de la critique au cœur même des outillages technologiques, de leurs usages artistiques et sociaux ; ou de l’étude de la démocratie à l’œuvre dans les séries télévisées menée par le philosophe Hugo Clémot ; ou encore la nécessité d’une nouvelle évaluation de la pop culture dans les recherches conjointes conduites au sein du CCAMAN par des spécialistes de musique et de cinéma (Guillaume Dupetit et Fabien Delmas). Ces quelques exemples, qui ne prétendent nullement à l’exhaustivité, marquent bel et bien l’importance accordée au geste critique par les membres de l’équipe.

Il n’en demeure pas moins que la critique fait également l’objet d’études historiques, monographiques, esthétiques ou rhétoriques, en premier lieu au sein du Séminaire interuniversitaire sur la critique de cinéma qui réunit mensuellement depuis 2016 à l’Institut National d’Histoire de l’Art professeurs et étudiants de l’Ecole normale supérieure et des universités de Nanterre, Saint-Denis et Gustave Eiffel (Responsables : Antoine de Baecque, Marc Cerisuelo Hervé Joubert-Laurencin, Cécile Sorin). De 2023 à 2028, Marc Cerisuelo bénéficie d’une délégation à l’Institut universitaire de France (IUF) afin de mener à bien le projet de recherche : « Les enjeux franco-américains de la recherche cinématographique ». Dans ses ouvrages sur des cinéastes japonais classique ou contemporain, Diane Arnaud a étudié les modalités de discours engagés par la critique française et leur aptitude à contourner les écueils de l’universalisme et du culturalisme pour asseoir la reconnaissance de ces œuvres. Une doctorante contractuelle et un doctorant de l’équipe, Alice Bouchey et Mamadou Sankharé, tous deux chargés d’enseignement, consacrent leur travail de thèse à des sujets où la critique occupe une part centrale de leur recherche : Alice Bouchey sur la relation entre la critique des Cahiers du cinéma et la Nouvelle Vague ; Mamadou Sankharé sur la question du « cinéma total », Mahdis Mohammadi, traductrice en persan des textes de Pascal Bonitzer et Raymond Bellour, développe pour sa part une importante recherche de thèse sur le statut de l’image chez Jacques Rivette, y compris dans ses premiers textes critiques. La convocation d’écrits fondamentaux de la critique d’art est tout aussi notable dans l’ouvrage que prépare Carole Halimi sur le tableau vivant. Il en va de même pour la critique de jazz et de rock au sein du travail sur la pop culture (Guillaume Dupetit). Explorés par la recherche, certains nouveaux territoires de la critique sont articulés aux contenus pédagogiques proposés dans les formations de l’UFR LACT notamment à travers l’invitation à enseigner de responsables de revues en ligne (Critikat, Cinema Teaser, etc.).

Un tel ancrage dans les problématiques à la fois historiques et contemporaines de la critique permet diverses synergies. Au sein du CCAMAN, d’abord, dans la mesure où les collègues qui y privilégient l’articulation entre création artistique et recherche (par exemple Florent Di Bartolo, Martin Laliberté, Kevin Dahan), en concentrant leurs efforts sur la « boîte noire technologique » (informatique musicale, réalité virtuelle, systèmes audionumériques, etc.) produisent un savoir réflexif original et utile à la cartographie collective de la question critique, précédemment décrite. Au sein du LISAA, ensuite, la relation s’impose avec les littéraires réunis dans l’équipe FTD : les travaux de Carole Aurouet se situent aux confins de la littérature et du cinéma, et de nombreuses publications de cette chercheuse ont pour objet le premier discours français sur le cinéma muet, où les critiques spécialisés côtoient écrivains et poètes en de nombreux lieux de publication ; Marc Cerisuelo a pour sa part publié plusieurs ouvrages et articles sur le sujet (à commencer par l’analyse des critiques de Jean-Luc Godard) et réuni des textes dans des numéros spéciaux (sur André Bazin dans Critique, sur La Critique dans La Nouvelle Revue d’esthétique, pour citer deux exemples récents) qui montrent les évidentes passerelles avec la recherche littéraire. Par la conaturalité qu’elle entretient avec son objet (un texte parle d’un texte) la critique littéraire est à la fois la plus évidente et la plus étrange : d’une part, c’est en son sein que s’élaborent les méthodes d’investigation textuelle, rhétorique et argumentative ; d’autre part, la critique d’art (picturale, musicale, cinématographique) structure un face-à-face entre un écrivain et le monde sensible des sons, des images et du mouvement, une relation où le discours critique affronte plus résolument l’altérité. Ces questions d’ordre « ontologique » rendent toujours plus nécessaires la confrontation des points de vue et la mise à disposition des textes, en un mot les échanges entre spécialistes – et c’est bien en cela que la critique, bien commun partagé par les différentes disciplines, se situe au carrefour de la réflexion sur les arts et la littérature.

Une autre passerelle est établie avec les anglicistes et américanistes du LISAA autour de la question de la traduction. Plusieurs chercheurs du CCAMAN (Martin Laliberté, Kevin Dahan, Maxime Boidy, Hugo Clémot, d’autres collègues plus ponctuellement) travaillent sur des corpus anglophones et publient des traductions d’articles et d’ouvrages critiques. La recherche littéraire, poétique, esthétique, linguistique et politique conduite par nos collègues de l’équipe SEA croise nécessairement la route du CCAMAN : outre les thématiques de l’engagement et de la ville, l’intérêt commun pour les discours consacrés à la culture populaire, à l’exploration des mouvements de pensée et de création afro-américains (comme la Harlem Renaissance) ou encore à la question de l’énonciation et à la poésie anglophone contemporaine, un tel intérêt invite à la poursuite d’un dialogue savant, encourageant le travail de traduction en mettant à nouveau en commun des ressources documentaires et la force de travail. Et sur ce point aussi, la légitime communauté d’inspiration ouvre des horizons d’étude dans le domaine des transferts culturels artistiques franco-américains portés par des discours critiques : les travaux de Marc Cerisuelo sur le film noir (exemple majeur de transfert initié par la critique française), de Fabien Delmas sur la mise en scène et derechef sur la pop culture (notion à l’indécidable prononciation), de Hugo Clémot sur l’ordinaire américain et la pensée de Stanley Cavell, de Diane Arnaud sur les films de jeu de l’esprit (mind-game films) comparant la créativité des contributions américaines et françaises, de David Lynch à Quentin Dupieux, ces différentes recherches, autant d’occurrences d’un foisonnement créatif indubitable, montrent clairement par l’exemple les différents registres de la critique qui sont au cœur des préoccupations, du travail et du style savant des différents membres de l’équipe.

Il est en outre assez évident que l’approche spécifiquement esthétique fédère les recherches des membres du CCAMAN. La plupart de leurs publications scientifiques sont davantage soumises à l’horizon d’attente esthétique qu’à nul autre attendu dans le monde savant. C’est d’ailleurs une telle évidence qui pousse à relier par un simple trait oblique – mais en seconde position – l’esthétique à la critique dans cet axe de recherche. Le « chantier » critique se déploie dans les différents recoins de l’analyse esthétique (musicale, visuelle, picturale, cinématographique, littéraire, philosophique) et se fonde sur une élaboration conceptuelle où les savoirs esthétiques mis en jeu permettent de détacher la critique de l’opinion : ainsi l’autonomie, notion centrale de l’esthétique depuis le XVIIIe siècle, fait-elle l’objet d’un projet de publication dans la revue Perspective (INHA) et d’un séminaire interdisciplinaire conjointement organisé par Maxime Boidy avec des politistes de l’université de Saint-Denis en vue d’en cartographier les anciens et nouveaux ressorts.  D’autre part, l’esthétique rencontre dans la critique une force de persuasion, y compris politique ; ce type de réflexion n’est pas nouveau en soi : la naissance de l’esthétique a précisément été pensée par Kant en étroite corrélation avec le siècle de la critique « à laquelle il faut que tout se soumette ». L’exigence critique contemporaine – en un temps où l’exercice même de la critique ne va plus de soi – renvoie dès lors nos recherches à une signification plurielle : esthétique (en défendant les notions d’œuvre, de motif et de forme), politique (en rendant aux arts leur fonction d’intervention) et aussi éthique car l’importance morale des œuvres, dimension longtemps négligée, se situe au cœur du programme d’éducation (y compris pour les adultes) que la réflexion sur l’art doit comporter.

L’axe 2 du CCAMAN s’ouvre dans trois directions organiquement reliées à la ville et à ses schèmes d’influence sur la création et la théorie des arts. La première direction a trait à la recherche/création, envisagée à partir d’une réflexion originale sur les fondements urbains des pratiques artistiques numériques. La deuxième direction porte quant à elle sur les usages de la technologie et vise à cerner l’incidence créative de l’appropriation et du détournement des formes techniques. Enfin, une troisième direction fédère une réflexion épistémologique sur les arts depuis le tournant des années 1960, avec pour hypothèse que les discours sur l’art actuel sont, pour partie ou totalité, corrélés à la transformation de l’urbanisme entendu au sens large d’une production de l’espace et des sensibilités.  

L’année 1957 est témoin de deux développements distincts qui ont marqué le début de l'intégration des technologies numériques dans la musique, jetant les bases des arts numériques en général. Aux Bell Labs de New York, Max Mathews inaugure MUSIC-I, le premier langage de programmation capable de synthétiser numériquement des sons, une avancée significative dans le domaine de la musique. Pour la première fois, il devient possible de générer des sons par simple description textuelle. En venant parachever la prophétie d’Edgar Varèse sur la musique des sons, cette innovation assoit la légitimité de l'utilisation de l'ordinateur comme outil de création artistique à part entière, tant pour la musique que pour les autres arts. Parallèlement, à l'Université de l'Illinois à Urbana-Champaign, Lejaren Hiller et Leonard Isaacson composent le quatuor à cordes Illiac Suite, première partition générée par ordinateur, en s’appuyant sur des formalisations symboliques allant de l’application de règles compositionnelles anciennes issues du Gradus ad Parnassum de Fux (1725) à des méthodes probabilistes stochastiques (chaînes de Markov). Cette œuvre démontre non seulement la capacité des ordinateurs à participer au processus de composition musicale, mais pose également question quant au rôle de la créativité et de l'aléatoire dans le domaine de l’art numérique naissant.

Ces développements, séparés géographiquement, reflètent l'importance des contextes urbains et académiques dans l'avancement des arts : les Bell Labs, immergés dans l’environnement dense de Manhattan, ont donné un cadre pour une recherche centrée sur les aspects sensibles (sonore et vibratoire) de la musique, tandis que l’environnement plus aéré du campus d’Urbana-Champaign a été le canevas d’un travail sur les dimensions symboliques de la musique. Pris ensemble, ces travaux ont non seulement établi les fondements de l'art numérique – nouvelles formes sensibles d’une part, abstractions symboliques de l’autre –, mais leur concomitance souligne l’importance jouée par l’environnement, urbain et institutionnel, dans l’émergence de nouvelles formes et de nouveaux savoirs artistiques.

Or l’année 1957 est riche et voit également la fondation de l’Internationale Situationniste (IS), dernier grand mouvement d’avant-garde du XXe siècle. L’IS n’est pas tant un horizon de référence pour son programme de fusion de l’art et de la vie qu’un dessein collectif fondu dans un projet au croisement des arts visuels, sonores et cinématographiques – ainsi que littéraires –, de disciplines et de techniques plurielles, de ramifications internationales. Surtout, l’IS est une ressource significative dans la mesure où la ville et la spatialité ont activement guidé sa trajectoire jusqu’en 1972, à travers les notions d’« urbanisme unitaire », de « psychogéographie », ou encore de « dérive », vers une complète redéfinition sensible de l’urbain. Ce rapport esthétique, qui annonce et devance de deux décennies le « tournant spatial » que connaîtront les sciences humaines et sociales à partir des années 1980, s’est progressivement affirmé au lendemain de la Seconde guerre mondiale, alors même que naissait la discipline de la géographie urbaine en France.

La même année 1957 voit enfin la publication de The Uses of Literacy de Richard Hoggart, ouvrage fondateur des études culturelles britanniques (Cultural Studies). Dans ce livre traduit en français sous le titre La Culture du pauvre, Hoggart propose une approche anthropologique des cultures ouvrières et populaires en Grande-Bretagne, attentive aux sons des fanfares, aux salles de bal et aux lectures des magazines illustrés. C’est là un point de départ des études sonores (Sound Studies) et des études visuelles (Visual Studies) contemporaines, qui structurent l’intérêt de plusieurs membres du CCAMAN pour la culture populaire, depuis la pop musique jusqu’aux plateformes de séries ou l’histoire du vidéo clip. Parallèlement, The Uses of Literacy est aussi un repère intellectuel pour repenser la réception des formes artistiques et la consommation des contenus culturels : où comment appréhender le spectateur, l’auditeur et le regardeur dans de nouveaux espaces, désormais fragmentés, parfois loin des sociabilités urbaines décrites par Hoggart mais toujours avec la même attention pour les réceptions individuelles des sons et des images d’une culture dite « de masse ».

Partant de ces constats transdisciplinaires et trans-artistiques depuis le tournant des années 1960, l’axe Épistémologie/Création du CCAMAN fédère les spécialistes d’arts visuels et numériques, de cinéma et de musique. Il se décompose en trois volets.

Un premier volet se focalise sur le paradigme recherche-création dans le domaine des arts numériques, en lien avec son inscription particulière dans et autour des environnements urbains. Cette approche, qui intègre la pratique artistique comme élément essentiel du processus de recherche, permet d'explorer de manière innovante les interactions entre les technologies, les arts et les espaces urbains. L'art numérique, par sa nature interdisciplinaire et sa capacité à fusionner divers médias, offre une plateforme unique pour étudier et réinterpréter les dynamiques urbaines. Il regroupe aujourd'hui un ensemble varié de pratiques artistiques dont la dimension exploratoire s’exprime en partie à travers un travail d’écriture algorithmique. La programmation informatique est utilisée par des pionniers du Computer Art comme Frieder Nake et Georg Nees pour élaborer des compositions graphiques à l’aide de machines à dessiner explorant des espaces de calculs. Historiquement, des artistes-théoriciens comme Iannis Xenakis, qui a précocement intégré des algorithmes et des principes mathématiques dans ses compositions pour le pavillon Philips ou pour ses Polytopes, illustrent comment l'art peut transformer l'expérience de l'espace urbain. Ces pratiques ne se limitent pas à la musique ou à l'architecture, mais s'étendent aux installations interactives, à la réalité augmentée et à la visualisation de données, qui reconfigurent la manière dont nous percevons et dont nous interagissons avec l'environnement : Graeme Sullivan aborde la pratique artistique comme une forme de recherche intellectuelle, tandis que Henk Borgdorff explore la place de la recherche artistique dans le monde académique. Ces travaux soulignent la valeur de l'art numériquenon seulement en tant que moyen d'expression créative, mais aussi en tant qu'outil de recherche et d'exploration des phénomènes urbains. L'application de la recherche-création en art numérique permet d'examiner comment les technologies influencent, modifient, et offrent une prospective de l'expérience de la ville. Elle ouvre des voies pour comprendre comment l'art numérique peut réagir aux espaces et les transformer, en abordant des questions telles que l'interaction entre les individus et la technologie, l'impact de la réalité virtuelle et augmentée sur la perception de l'espace, et le rôle de l'art numérique dans la représentation et la critique des dynamiques urbaines : on citera encore l’exemple du cyberpunk comme horizon imaginaire de l’urbain, thème qui se décline de manière transdisciplinaire à l’intérieur du CCAMAN comme au niveau du LISAA et au-delà.

Le deuxième volet explore les méthodes d'appropriation et de détournement des technologies dans le domaine artistique. Ancrée dans la culture du hacking, cette approche illustre une fusion remarquable entre l'art, la science et la technologie. Elle résonne avec le détournement situationniste et l'appropriation des contenus culturels, concepts qui ont émergé en interaction avec le phénomène urbain. Ces pratiques technologiques dans les arts contemporains s'inspirent de cette tradition en la réinterprétant à travers le prisme des nouvelles technologies. Sur le plan théorique, les travaux de Marvin Minsky sur la Société de l’esprit et l’ouvrage de Gregory Bateson Vers une écologie de l’esprit offrent des perspectives éclairantes. Minsky établit un parallèle entre les systèmes informatiques, les processus cognitifs et la présence spatiale, influençant la création artistique numérique, notamment dans la conception d'environnements interactifs et immersifs. Bateson met en lumière l'importance des systèmes et des réseaux dans la compréhension des interactions entre les individus et leur environnement, éléments indispensables à l’analyse des dispositifs artistiques contemporains. Dans la pratique, cet axe encourage les travaux centrés sur la conception et le développement d'environnements de création et d’analyse, ainsi que sur l'exploration d'aspects scientifiques dans les arts numériques. Un domaine particulièrement prometteur est celui des jumeaux numériques des villes, où les artistes pourraient s’approprier et détourner des répliques virtuelles de villes, permettant ainsi d'explorer et de questionner les dynamiques urbaines sous un nouvel angle.

Un dernier volet vise quant à lui à produire une réflexion épistémologique d’ensemble sur les arts contemporains, à partir des nouvelles esthétiques nées des mouvements souterrains de l’urbain. L’articulation implicite du populaire à la ville ouvrière chez Richard Hoggart s’est déployée ailleurs sous la forme d’une analyse historique du rapport ville-campagne dans la longue durée : ainsi chez le théoricien littéraire Raymond Williams (The Country and The City, 1973), lequel questionne les « plaisantes perspectives » qui ont présidé à l’invention de l’esthétique du paysage dans la peinture anglaise du XVIIIe siècle. On sait ce que certaines théories générales du postmodernisme, celle de la « cartographie cognitive » du capitalisme tardif d’un Fredric Jameson par exemple, doivent à une attention pour la forme-ville : Jameson s’appuie sur les thèses formulées par l’urbaniste Kevin Lynch dans The Image of the City (1960) quant aux limites que rencontre la traduction de l’espace urbain en représentation mentale, et potentiellement en représentations plastique et numérique, chez les citadins d’hier et d’aujourd’hui. Dans le droit fil des travaux de Lynch et de ce moment charnière que marque, encore une fois, le tournant des années 1960, il s’agit de penser d’autres mouvements d’ensemble de la théorie des arts et de la culture, en partant de l’hypothèse que quelques grandes notions dans les discours sur l’art actuel (la représentation, la performativité, l’immersion, la virtualité, le paysage sonore ou visuel,...) sont, pour partie ou totalité, le résultat de la transformation de l’urbain.

Contacts

Nedjima Hassaoui

Responsable administrativenedjima.hassaoui@univ-eiffel.fr01 60 95 71 15