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Les Femmes dans les réseaux urbains de l’humanisme (1492-1615)

Date limite d'envoi des propositions: 15 décembre 2021

 

Organisatrice: Caroline Trotot, Violaine Giacomotto-Charra & Nicole Dufournaud

Colloque organisé par Caroline Trotot (projet Cité des Dames Université Gustave Eiffel), Violaine Giacomotto-Charra (projet HumanA Université Bordeaux-Montaigne, Centre Montaigne) et Nicole Dufournaud (projet Cité des Dames Université Gustave Eiffel)

Bordeaux, 29-30 juin 2022, Bibliothèque Municipale de Bordeaux

Comité scientifique : Philippe Chareyre (Université de Pau), Philippe Gambette (Université Gustave Eiffel), Dominique Picco (Université Bordeaux-Montaigne), Sandra Provini (Université de Rouen Normandie), François Rouget (Queen’s University, Kingston, Canada), Kathleen Wilson-Chevalier (American University of Paris)

Bien qu’elles aient été exclues de nombreuses institutions savantes de la Renaissance, universités ou collèges royaux, les femmes ont joué un rôle important, dans la construction, la diffusion et la transmission des savoirs et de la culture, dans les réseaux de sociabilité et de clientèle, et ce à différents niveaux de la vie nobiliaire, urbaine et lettrée. En témoigne le grand nombre d’ouvrages qui leur est dédicacé ou l’influence qu’elles ont exercée sur le monde des arts [Wilson-Chevalier 2007][1]. Depuis la remarquable étude d’ensemble d’Evelyne Berriot-Salvadore [1990][2], des travaux essentiels ont été menés, non seulement sur de grandes figures nobiliaires comme les reines de Navarre ou Catherine de Médicis, mais aussi sur des ensembles plus vastes. La grande étude de Linda Timmermans [2005][3] montre ainsi que les femmes sont très nombreuses à participer à la culture au XVIIe siècle. De même, la partie consacrée à la période 1475-1615 par Éliane Viennot dans la récente histoire littéraire réalisée sous la direction de Martine Reid, Femmes et littérature, une histoire culturelle [2020][4], invite à renouveler une vision trop masculinisée de la littérature de la Renaissance et recense près de cent quarante autrices pour le 16e siècle [p. 223].

 

Ce colloque, au croisement d’un projet qui analyse la place des femmes dans la cité (citedesdames.hypotheses.org ) et d’un autre qui s’interroge sur les réseaux lettrés bordelais (centre-montaigne.huma-num.fr/projets-du-crmt/humana.html ), souhaite se pencher plus précisément sur la présence des femmes et sur les modalités variées de cette présence, parfois discrète ou oubliée, dans la construction et la diffusion des savoirs comme dans la vie intellectuelle et artistique de la Renaissance, en s’interrogeant plus particulièrement sur leur rôle dans l’histoire des villes, qui sont elles-mêmes des foyers intellectuels et politiques, des carrefours, des points de départ et de retour, des lieux de passages, des modèles (ou des contre-modèles), incluant des espaces divers (la cour, l’université, les académies). Il s’agira donc de contribuer également à une réflexion pluridisciplinaire sur l’histoire des villes dans la première modernité, en jetant la lumière sur la manière dont leur évolution est liée à leur nature de lieux de savoir et de culture. On tentera ainsi de poursuivre le travail pionnier mené par Michèle Clément et Janine Incardona [2008][5] pour analyser les liens unissant la ville de Lyon, l’humanisme et les femmes ainsi que celui de Kendall B. Tarte, à propos des Dames des Roches et de la ville de Poitiers, Writing Places, sixteenth Century City Culture and the Des Roches Salon [2007][6].

 

Les pistes à explorer sont nombreuses et variées, des plus matérielles au plus immatérielles :

 

- On pourra s’interroger d’abord sur la présence concrète des femmes dans les villes et les traces qu’elles y ont laissées : quel rôle les femmes ont-elles joué dans l’aménagement des villes, leur transformation pour accueillir les activités privilégiées de la culture humaniste et la diffuser ? On peut penser ici, aussi bien aux lieux privés et de représentation que sont les demeures nobles (Catherine de Médicis et l’Hôtel de la Reine, Marguerite de Valois et l’Hôtel de la Reine Marguerite) ou bourgeoises, ainsi qu’à leurs jardins, ou encore à la fondation, à l’aménagement et au développement des lieux d’éducation et de savoir (collèges, académies). Ce dernier point ouvre la piste de leur rôle dans l’éducation, la transmission des savoirs et leur construction, grâce aux lieux urbains aménagés ou investis mais aussi grâce à leur rôle dans l’éducation à domicile, qui reste essentielle pour la noblesse (c’est à une femme qu’est dédié l’essai « De l’institution des enfants »).  Par ailleurs, les modalités de l’éducation des filles, au château ou en milieu urbain, en dehors des collèges réservés aux garçons, sont encore imparfaitement connues. Quels lieux pour cette éducation ? Peut-on considérer les nombreux livres de philosophie dédiés à des dames comme une manière de construire un lieu d'éducation féminin, ou en tout cas accessible aux femmes alors que les collèges sont des lieux urbains et exclusivement masculins. D’une manière générale, on pourra se poser la question de la spécificité de lieux féminins par rapport à ceux construits autour de figures masculines, comme les couvents de femmes, ou encore analyser la manière de nommer des lieux organisés par ou pour les femmes, en saisissant ces phénomènes en diachronie (par exemple, l’émergence du concept de « salon », et la difficulté à nommer les lieux féminins de sociabilité littéraire du 16e siècle).

 

- Le rôle des femmes peut également être exploré à travers l’analyse des modalités de leur présence dans la ville : rôle social et culturel, en particulier quand elles sont au centre d’une cour ou d’une Académie, modalités de présence dans les milieux du livre (qu’elles soient autrices ou professionnelles du livre, épouse active d’un imprimeur-libraire ou elle-même à la tête d’une boutique de libraire ou d’un atelier d’imprimeur). Il pourra s’agir ici aussi bien de leur présence concrète et de leur rôle dans l’atelier et dans le système général de l’économie du livre, que de l’étude des réseaux au cœur desquels se trouve l’atelier ou encore de leur rôle intellectuel : livres écrits pour les dames ou dédiés aux dames, importance du mécénat et de la protection exercés par des femmes. La question du livre et celle des lieux d’habitation et de vie intellectuelle peuvent également se rejoindre à travers celle des bibliothèques féminines.

 

- Une autre question posée est celle du rôle des femmes dans les réseaux dont les villes sont des nœuds concrets autant que symboliques, noyaux et modèles d’un tissu de villes plus petites et de châteaux gravitant autour de villes plus importantes. On pourra s’intéresser ici au rôle de passeur de certaines figures féminines, qui après un séjour à la cour se font mécènes en leur domaine (comme Jacquette de Montbron), à celles qui vivent ainsi entre leurs châteaux et les centres urbains, et à tout ce qui rend aujourd’hui encore visibles ces réseaux : les éventuelles traces matérielles (architecture, ornements, jardins) mais aussi les correspondances, les traces archivistiques, les enseignements du péritexte des livres publiés ou la célébration de certaines figures par les poètes.

 

- Enfin, le colloque s’intéressera à la question de la mémoire et de la préservation de cet héritage : comment nommer et rendre visible aujourd’hui ce rôle, identifier et caractériser ces traces ? Comment les décrire, en parler, les traiter ? Exigent-ils une approche ou une méthode spécifique ? Comment rendre visibles ces problématiques aujourd’hui avec les outils numériques et plus largement penser et valoriser les traces dans les villes contemporaines ?

 

La période couverte par le colloque va de 1492, naissance de la première Marguerite de Navarre, à 1615, mort de la dernière. Les propositions pourront être centrées sur une figure féminine aussi bien qu’un groupe ou un réseau, mais aussi un milieu urbain particulier, un type de lieu ou tout autre approche pertinente par rapport au sujet, dans diverses disciplines notamment littérature, histoire, histoire des arts, humanités numériques.

 

Les propositions de 2000 signes ou 300 mots maximum, accompagnées d’une courte bio-bibliographie d’une page maximum sont à adresser à l’adresse générique colloquefemmeshumanisme@gmx.fr pour le 15 décembre 2021.

 


 

[1]Patronnes et mécènes en France à la Renaissance, sous la dir. de Kathleen Wilson-Chevalier avec la collaboration d'Eugénie Pascal, Saint-Etienne, Publications de l'Université de Saint-Etienne, coll. "L'école du genre", Série Nouvelles recherches n°2, 2007.

 

[2] Evelyne Berriot-Salvadore, Les Femmes dans la Société française de la Renaissance, Genève, Droz, 1990.

 

[3] Linda Timmermans, L’Accès des Femmes à la culture sous l’ancien régime, Paris, éditions Honoré Champion, Champion classiques, 2005, 1e édition 1993.

 

[4]Femmes et littérature. Une histoire culturelle, I, sous la direction de Martine Reid, Paris, Gallimard, coll. Folio, 2020, p. 219-479. On trouvera une bibliographie p. 434-453.

 

[5]L’émergence littéraire des femmes à Lyon à la Renaissance (1520-1560), sous la direction de Michèle Clément et Janine Incardona, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2008.

 

[6] Kendall B. Tarte, Writing Places, sixteenth Century City Culture and the Des Roches Salon, Newark, University of Delaware Press, 2007.

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