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Colloque Affectivites Identites Urbanites

Affectivités, Identités, Urbanités
Colloque SEA, LISAA, Programme AS-Exploration
26-27 septembre 2024, Université Gustave Eiffel
Dans le cadre de ses travaux sur la ville, thématique de recherche privilégiée de l'Université
Gustave Eiffel, l'équipe interne Savoirs et Espaces Anglophones (SEA, LISAA) se propose
d'organiser un colloque interdisciplinaire et transculturel consacré à l'étude des rapports
qu'entretiennent les affects et les espaces, matériels et immatériels. Nous souhaitons associer les
chercheur.e.s intéressé.e.s des autres équipes internes du LISAA ainsi que celles et ceux d'autres
composantes de recherche, tels que, par exemple, les historiens/historiennes et les géographes du
Laboratoire ACP. Ce colloque, qui se tiendrait en 2024, serait la première étape d'un programme
plus ambitieux, sur cette même thématique et décliné sous la forme d'un séminaire favorisant l'interconnaissance,
l'exploration méthodologique, et à terme la production d'ouvrages collectifs.
La perspective retenue pour cette première étape du colloque est celle de la spatialisation,
urbaine en premier lieu, des affects et de leur circulation dans le cadre des constructions culturelle,
sociale et politique des identités individuelles et collectives. En effet, si la littérature théoricocritique
récente s'est penchée sur le rôle des affects dans la formation des identités sociales, souvent
au prisme d'une phénoménologie de l'émotion centrée sur son expression, la dimension générative
de l'affect, ce qu'il produit, ce qu'il participe à créer sur le plan des espaces et des affiliations
identitaires qui s'y dessinent est moins étudié. Creuset historique d'une densité émotionnelle à
organiser, la ville est un espace de création, de réinvention qui, par analogie ou métaphorisation, se
prête particulièrement bien à une telle approche : deux de ses traits définitoires, l'interconnexion et
la mobilité (De Certeau),1 sont aussi ceux qui caractérisent le système des affects tel que l'analyse le
psychologue américain Silvan S. Tomkins auteur de l'important Affect Imagery Consciousness
(1962-63 ; 1991-92).2
Dans son travail, Tomkins conçoit les affects comme étant au fondement du comportement
humain, de l'intentionnalité qui détermine l'action et dont ils amplifient la portée. Synthétisé dans la
formule « no affect is an island », il en décrit le fonctionnement comme interconnecté,
interpersonnel, social et idéologique. Dans ce cadre, l'expression et la production des affects sont
tout autant conditionnées par l'environnement que ce dernier participe de la soutenabilité des
activités humaines. Dès lors, les affects positifs (intérêt, curiosité, excitation, joie, plaisir) sont par
exemple envisagés comme des agents « spatialisateurs »3 des relations, telles qu'elles sont mises en
jeu dans la production du discours oral (doublement déterminé par la charge affective de l'intention
et de la réception attendue) et le processus créatif de l'écriture qui, poétique ou dramatique, se
déploie par les affects dans la représentation et l'action. De même, amplificateurs de la douleur et de
la souffrance, les affects négatifs (colère-rage ; détresse-angoisse ; peur-terreur ; honte-humiliation ;
mépris ; dégoût), valent aussi pour leur générativité et sont de possibles vecteurs de la réforme
individuelle et sociale, ainsi qu'en témoignent les mouvements de protestation et les mobilisations
collectives. Les affects n'ayant pas, pour Tomkins comme pour Spinoza, de valeur intrinsèque ou
spécifique et pouvant s'attacher à n'importe quel objet, cette valeur de générativité est cependant
relative et conjoncturelle. Qu'en est-il du système des affects, de sa mise en réseau, en espaces, en
relations, quand il n'est pas a priori congruent avec un système de valeurs donné tel que la ville peut
aussi le porter ?
1 Cf. DE CERTEAU, Michel, L'invention du quotidien, 1 : arts de faire, Paris, Gallimard, (1980) 1990.
2 Cf. TOMKINS, Silvan S., Affect Imagery Consciousness – The Complete Edition, New York, Springer Publishing
Company, 1962-63 ; 1991-92. Cf. aussi FRANK, Adam J. & Elizabeth A. WILSON, A Silvan Tomkins Handbook –
Foundations for Affect Theory, Minneapolis, MN, The University of Minnesota Press, 2020.
3 On emprunte le terme à la musique acoustique qui par la spatialisation étudie l'impression d'espace que le son peut
créer.
En contrepoint exact du concept médiéviste de « communauté émotionnelle »4 désignant
l'harmonie entre l'identité plurielle du sujet et celles de sa communauté, la ville peut également se
lire, non plus à l'aune de la création et de la réinvention, mais comme l'espace d'une circulation
contrainte et d'une canalisation imposée des affects, articulant à la problématique de l'affectivité, de
l'urbanité et de l'identité la question fondamentale de la liberté. Ainsi, si les lieux de socialisation
minoritaire, notamment genrée et sexuelle, de culture, d'expression artistique, de production
intellectuelle, scientifique, académique ou éducative pourront être étudiés pour les libres circulation
et diffusion affectives qu'ils permettent, les espaces de privation de liberté tels que la prison,
l'hôpital psychiatrique ou le ghetto, seront tout aussi utiles pour appréhender les rapports entre
affects et espaces et la façon dont les systèmes de valeurs les saisissent dans la construction
contrôlée des identités sociales, culturelles et politiques. C'est, par exemple, au croisement de la
peinture naturaliste, de la géographie culturelle et de la sociothéraphie, ce à quoi Ralph Ellison
s'exerce dans son article « Harlem Is Nowhere » (1948),5 le non-lieu de la « métropole noire »
traduisant le chaos social et individuel qui résulte de la fabrique des marginalités et de la
multiplication erratique et en vase clos des affects négatifs. Dans un autre contexte de domination
ethno-raciale et politique, Frantz Fanon développera une analyse similaire au sujet de la « ville
compartimentée » dans la situation coloniale (1961).6 C'est alors que, comme dans les
représentations picturales des villes en ruines, en feu, ou détruites par la guerre, où la survivance
tient à la rémanence mélancolique de l'affect, la ville entrevoit sa propre fin et peut-être sa
reconstruction. Ambivalent, cet espace que l'affect crée entre l'objet et le sujet, entre l'histoire et la
mémoire, entre la scène et le spectateur, entre le texte et le lecteur, le thérapeute et son patient, est
celui qui nous intéresse. Affecté, l'espace des villes et des subjectivités qui l'habitent.7
“Affectivity, Identity, and Urban Matters”
The conference “Affectivity, Identity, and Urban Matters,” intends to gather together
researchers in the Humanities and Social Sciences from the Université Gustave Eiffel and beyond
who have an interest in the research subject of the city and of city life. The conference will focus on
the rapport between affects and spaces, be they material or immaterial. Veering away from a
strictly phenomenological approach of emotions as they are expressed, the first aspect to be studied
will be about the urban spatialization of affectivity as it takes place in identity-formation in
sociopolitical and cultural settings. The originality of this outlook lies in the fact that affects have
been until recently studied for their role in the building-up of social identities and less so for the
spaces and identities they may generate. As an intense crucible of emotions to be tamed, the city is
a space particularly fit for such an analysis as two of its defining features – interconnection and
mobility (De Certeau8) – are also those characterizing the system of affects according to the
American psychologist Silvan Tomkins in his work of note Affect Imagery Consciousness (1962-63 ;
1991-92).9
In his work Tomkins conceives affects as being at the very basis of human behavior, of an
intentionality triggering action and reinforcing its effect. According to Tomkins for whom “no
affect is an island” affectivity is per se interconnected, interpersonal, social and ideological. Be
4 Cf. ROSENWEIN, Barbara H., Emotional Communities in the Early Middle Ages, Ithaca, NY, Cornell U.P., 2006.
5 Cf. ELLISON, Ralph, « Harlem Is Nowhere », in Shadow and Act, New York, Vintage Books, 1964.
6 Cf. FANON, Frantz, Les Damnés de la terre, Paris, Maspero, (1961) 1976.
7 Cf. STONE, Amy L. & Jaime Cantrell, Out of the Closet, Into the Archives : Researching Sexual Histories, New York,
SUNY Press, 2015.
8
See DE CERTEAU, Michel, L'invention du quotidien, 1 : arts de faire, Paris, Gallimard, (1980) 1990.
9 See TOMKINS, Silvan S., Affect Imagery Consciousness – The Complete Edition, New York, Springer Publishing
Company, 1962-63 ; 1991-92. See also Frank, Adam J. & Elizabeth A. Wilson, A Silvan Tomkins Handbook –
Foundations for Affect Theory, Minneapolis, MN, The University of Minnesota Press, 2020.
they expressed or produced, affects in this respect are being determined by their environment as
much as this environment influences human activities. Positive affects are thus looked upon as
agents “spatializing” relations such as those displayed in speech acts where both intentionality and
reception are affective or in creative writing, highly affective in its representation modes should
they be poetic or theatrical. In a similar way negative affects which tend to amplify pain and
suffering are generative in an instrumental manner since they can mediate important individual
and social changes as protests and collective mobilizations testify to.
The medievalist concept of “emotional community”10 refers to the attunement between the
subject's different social identities and those of his/her community. But instead of attunement, or
even of creation and reinvention, the city can be the space of a constraining circulation of affects.
The problematization of affectivity, urban matters and of identity therefore needs to also include the
question of freedom. Such an articulation will be fathomed out in social spaces dedicated to
minority social-groups, particularly gender-related and sexual, to artistic and cultural production,
or to educational activities and to knowledge production. In parallel, constraining structures or
spaces restricting freedom such as sites of incarceration, psychiatric institutions or urban ghettoes
will be as much cornerstone for analyzing the rapport between affectivity and spatialization but
also the way this rapport is being used in the monitored construction of cultural and sociopolitical
identities.
10
See ROSENWEIN, Barbara H., Emotional Communities in the Early Middle Ages, Ithaca, NY, Cornell U.P., 2006.

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